LE NUTON DE LA VINETTE.
Paul Erève
Un petit cultivateur de Marchin était mort l’année d’avant, laissant sa femme veuve avec sept enfants. L’aîné, Jean-Louis, n’avait que douze ans. Un matin qu’elle se préparait à partir au labour, la veuve trouva le vieux cheval mort au fond de son écurie : c’était la catastrophe ! Comment labourer ? Jean-Louis alla alors trouver son oncle pour lui expliquer la situation et lui demander son cheval à prêter. L’oncle, avare, prétexta l’infirmité de ses chevaux pour éconduire le garçon. Ne trouvant aucune solution, Jean-Louis s’assit découragé sur le bord du chemin et se mit à pleurer en silence. Un nuton l’observait, tapis dans les buissons, et vint lui demander la cause de son chagrin. Le nuton, pour sonder le bon cœur de l’enfant, lui demanda ce qu’il avait dans son paquet : « Des galettes que maman m’avait préparées pour le voyage », répondit Jean-Louis. Et l’enfant lui offrit toutes ses galettes et ce faisant il réussit l’épreuve du nuton qui lui dit :
« Amène ce soir ta charrue et tes semences près de ton champ et dors sur tes deux oreilles ». Le lendemain, le champ était labouré en ensemencé. La veuve ne comprit pas comment son fils avait pu réaliser seul un tel travail, d’autant plus que la récolte de blé fut étonnante.
Jean-Louis avait continué à revoir le nuton et à lui apporter des gâteries. Au labour suivant, le garçon put faire seul le travail, car le bénéfice de la récolte-miracle avait permis à sa mère de racheter un beau hongre de Brabant et, d’autre part, le nuton lui avait enseigné progressivement l’art de la culture. Depuis lors tout réussit à Jean-Louis, car il connaît mieux que les fermiers voisins tous les secrets de la nature. Il devint l’homme le plus riche de la région, après avoir acheté les meilleures terres et construit une vaste ferme d’élevage. Quant à son oncle, il tomba de déchéance en déchéance ; ce fut encore Jean-Louis qui le recueillit dans se ferme où il termina heureusement.