LE LOUP DE STREE
Pierre Dijon
L’hiver de l’année 1703 fut particulièrement vigoureux, si bien qu’à la fin du mois de janvier 1704, un épais tapis de neige recouvrait toujours nos régions. Les animaux sauvages étaient tous affamés et le manque de nourriture avait rendu les loups plus audacieux que de coutume : un osa même entrer dans la bergerie de la famille Collard pour y prendre un mouton. Les gens commencèrent à avoir de plus en plus peur des loups, toutes sortes d’histoires terrifiantes circulant à leur sujet ; on ne laissait d’ailleurs plus sortir les enfants seuls à la tombée de la nuit.
Un soir de janvier un homme revenait à pied de Huy à Vierset, mais une fois arrivé à Strée, il se rendit compte qu’il ne pouvait plus continuer son chemin en raison du froid, de la neige mais surtout du vent qui le glaçait littéralement. Il frappa alors à la porte de la seule maison sur son chemin –celle des Collard– afin de s’y réchauffer un instant. Une voix à travers la porte demanda de qui il s’agissait et l’homme répondit en donnant son nom : « Leloup ». « Comment ? » dit Collard ; et l’homme lui donna à nouveau son nom, ainsi que celui de sa femme : « Leloup-Dubois, de Vierset ! ». Collard refusa de lui ouvrir et l’homme dut continuer son chemin. Un peu plus loin, il s’enlisa dans une congère et mourut de froid : à cet endroit une croix fut dressée en mémoire du malheureux.
Des années plus tard, les loups semaient toujours la terreur dans la région. Le curé de Strée décida alors de rétablir le culte de saint Loup afin de protéger les troupeaux. Mais une confusion se produisit : certains crurent que saint Loup était en réalité un vrai loup, canonisé par leur curé et que sa tombe se trouvait sur la route qui menait à Vierset : en effet, n’y avait-il pas là une croix sur laquelle était écrit que « le loup du bois de Vierset » était mort à cet endroit.