La macrale des Avins
P. Dijon
Vers 1600, il y avait aux Avins une vieille dame appelée Eulalie ; pauvre, elle ne possédait qu’une chèvre et quelques poules et vivait de la mendicité. Elle ne manquait aucun office à l’église et pourtant on la tenait pour une macrale.
Trottinant de maison en maison, elle causait à l’un et à l'autre et s’interessait à leurs affaires de famille. Dans ses pérégrinations, elle annonçait à ses bienfaiteurs tantôt la guérison d'une bête malade, tantôt une ondée attendue pour leurs champs desséchés et toujours ses vœux se réalisaient : les bêtes guérissaient, un orage survenait à point. Mais cependant, lorsqu’une bête se cassait une patte, ou si une poule était prise par un renard en plein midi, certains attribuaient ces accidents au pouvoir maléfique de Lalie.
Il y avait au Roua deux frères peu charitables qui, la voyant arriver, lui fermaient la porte. Une longue série de malheurs commença à leur arriver : un renard décima le poulailler, les poules survivantes attrapèrent la diphtérie, leurs deux chevaux tombèrent malades et durent être abattus… Certains que Lalie était la cause de tous leurs maux, ils décidèrent de la brûler. Comme on ne la voyait plus à la messe ni aux vêpres le dimanche, le curé, la croyant malade, se rendit à sa cabane et comme il ne l'y trouva pas, il alerta les habitants.
Certains l’avaient vue partir en direction de chez les deux frères et partirent à sa recherche : on retrouva alors les restes calcinés de la pauvre vieille femme. Lors de leur procès, les deux frères déclarent avoir agi en légitime défense contre une sorcière en relation avec Satan. L'affaire fut donc introduite au point de vue religieux et le curé des Avins fut le témoin principal. Celui-ci déclara qu’Eulalie était une brave chrétienne, qui pratiquait la religion et ne manquait aucun office, et que rien ne prouvait qu’elle ait jamais pratiqué la sorcellerie. Quant aux frères, le curé expliqua qu’il s’agissait de mauvais chrétiens.
Les frères furent condamnés, pour assassinat, à être pendus haut et court. Ils furent ramenés aux Avins et pendus à une potence dressée sur le rocher derrière l’église. Leurs biens furent confisqués pour payer les frais du procès et célébrer des messes pour le repos de l’âme d’Eulalie.